And here You are

And Here You Are

Every human being is a puzzle of need.
You must become the missing piece.

☾☾  Pendant, très longtemps, j’ai cru que les amis n’étaient qu’une chose facultative dans la vie. Dans mon enfance, beaucoup de personnes m’ont vue entrer et sortir presque aussi rapidement de leur vie. Ne préférant avoir aucune attache, en souffrant moins lorsque j’étais transférée dans une autre famille ou foyer. Et ce, même si je suis toujours restée en ville, dans le même établissement scolaire, je ne ressentais pas le besoin d’être importante pour une autre personne que moi. La solitude m’a longtemps apportée ce dont j’avais besoin, qui peut vous décevoir quand vous ne comptez que sur vous-même ? C’est une question piège évidemment ! Vous connaissez le nombre où je me suis blessée dans ma propre personne par cette solitude ? Seule dans un état d’esprit qui a battit cet immense mur de Chine autour de vos sentiments pour vous protéger, ne laissant personne le franchir. Vous l’aurez compris, j’étais une enfant solitaire...
 
Une légère brume enivre lentement la pièce tandis que le sommeil s’en va doucement alors que la journée commence. Il faudra quelques instants pour s’habituer à la lueur du soleil, à peine chaud mais réconfortant laissant un ciel parfaitement dégagé et d’un bleu profond. L’hiver s’en va, sa valise sous le bras laissant place petit à petit au printemps, une légère brise balaye les fins rideaux par la fenêtre ouverte. Si on se concentre assez sur l’audition, un léger gazouillis d’oiseau commençant doucement à préparer la saison des amours. La vue maintenant adaptée à la lumière naturelle de la chambre, un silence règne en maître tandis que j’étire les membres encore douloureux d’une course nocturne. Faut-il vraiment se lever ? Commencer une journée qui finira comme les précédentes, soignée dans quelques bouteilles de vin suivi d’une envie de courir pour se vider l’esprit ? 
 
Une vibration provenant de la table de nuit attire mon attention, le cadran du téléphone laisse apparaître une notification. Rien de bien important mais suffisant pour une quelconque motivation à sortir du lit. Déterminée à passer sous la douche avant toute chose, histoire surtout d’éliminer le peu de résidu d’alcool de la vieille sur des traits déjà épuisés. L’eau chaude donne l’effet tant attendu, presque comme le second souffle du matin, ou plutôt d’un début d’après-midi dans notre cas ! Il ne sert à rien de s’y éterniser pour autant, balayant la buée du miroir d’une main et découvrir un visage fermé d’émotion. Il serait peut-être bon d’y remédier ? Souviens-toi Beth, tu dois faire de petites choses pour toi-même ! Ouais, ce n’est pas comme s’il y avait quelqu’un à impressionner de toute façon ! Cette pensée laisse échapper une grimace, nul besoin d’être pomponnée pour rester à l’appartement. Rester en pyjama, installé profondément dans le canapé avec un bon roman dans une main et un verre dans l’autre. Voilà le programme parfait pour la journée, une totale relaxation n’étant pas dans un quart de service avant le lendemain matin. 
 
Une heure s’est avancée sur l’immense horloge d’un style rustique, qui trône fièrement sur l’un des murs du salon. Rapidement, la lecture est reprise pensant à un amour qui ne verra certainement plus jamais le jour. Tout comme ma personne, l’héroïne du roman aime d’un immense et profond amour bien qu’elle est coincée dans un mariage. Les détails sont certes différents, elle vient d’une époque où les femmes avaient pour obligation d’épouser celui qui convenait le mieux à la famille, principalement le père. Je suis d’un millénaire plus moderne, bien que, prise au piège par mes propres choix ! Aimer la collègue de votre mari, trahir celui qui vous offre tout ce dont vous avez besoin. Ouais, j’ai foiré mon mariage, j’ai laissé partir celle qui aurait pu me donner bien plus qu’une sécurité de confort et me voilà, seule et misérable !
 
Une autre heure passe, plus lentement que la précédente tandis que les images de cette courte relation ne cessent de me prendre en otage. Un deuxième verre se vide à son tour quand un coup à la porte m’interpelle, je n’attends personne, pour vrai dire, je n’invite jamais personne ! Fronçant les sourcils, gardant une expression interrogative, j’ouvre et ne m’attendais certainement pas à sa présence. Partagée entre l’envie de la serrer dans mes bras, lui demander ce qu’elle peut bien faire ici, mais non, je reste sans voix gardant mon expression incrédule. Mais Beth, tu ne peux pas laisser celle qui a été ta meilleure amie depuis le secondaire sur le pas de la porte ! Beth ? Prévenons les techniciens, il doit s’agir d’un bug cérébral !! « Jamie !? » Ouais, ça peut passer pour commencer une discussion, et que dirais-tu de la faire entrer ? Non ? Même pas par curiosité ? « Hum, désolée, je ne... Ne m'y attendais pas. Entre » Il est plus facile à glisser sur le côté étant dans de larges chaussettes et ainsi la laisser investir l’appartement si tel est son souhait. ☽☽  

And Here You Are

Every human being is a puzzle of need.
You must become the missing piece.

☾☾ C’est le jour J.  

Je n’ai pas beaucoup dormi cette nuit parce que je n’ai fait que penser à mon rendez-vous avec mon gynécologue. Je sais qu’on va devoir apporter quelques changements à mon protocole de traitement en vue d’une prochaine insémination. J’ai besoin d’examiner toutes les options possibles avant de me décider réellement. Normalement, c’était un rendez-vous pris avec Dylan plusieurs mois auparavant et c’est aussi pour cela que j’angoisse un peu trop. J’ai voulu prendre un peu d’avance avant ma consultation alors je suis de bonne heure dans la salle d’attente où il n’y a personne encore. Le problème quand on arrive beaucoup trop tôt à un rendez-vous qu’on appréhende, c’est qu’on devient nerveux. Très nerveux. J’ai parcouru la pile de revue médicale sur la table basse et feuilleté les différents dépliants sur le comptoir de la secrétaire. Cela parle essentiellement de traitement contre la fertilité (Comme si c’était soignable telle une maladie ressemblant à la grippe !!), grossesses et j’en passe. Rien qui puisse apaiser ce sentiment d’insécurité qui s’agrippe à mes entrailles avec beaucoup de férocité. Je sors de mes songes quand j’entends l’infirmière prononcer mon nom. Ça y est, ma poitrine se serre et mon cœur se met à battre la chamade à l’intérieur de moi. J’entre dans le bureau du docteur Matthews qui ne s’étonne pas de l’absence de mon mari. J’avais pris le soin de le prévenir bien avant.  

Le docteur Matthews est très compréhensif compte tenu de ma situation actuelle et accepte de revoir mon protocole. Il me prescrit des bilans sanguins, échographie à faire cette semaine en terminant par des vitamines que je vais pouvoir commencer aussitôt. Avec Dylan, je ne sais pas du tout où on en est et il est possible qu’il m’en veuille un jour pour les démarches que je suis en train de faire. Je ne suis pas encore décidée à faire cette insémination mais j’y réfléchis sérieusement. Je ne lui ferais pas un enfant dans le dos parce que je n’utiliserais pas sa semence pour le faire. Et pour se faire, il me faudrait son accord et avoir son accord revient à lui en parler. Et évidemment, c’est hors de question. J'ai l’impression de devoir faire démarche toute seule. Mon gynécologue me propose de passer par le don de sperme et c’est la meilleure solution pour tout le monde. Cela dit, il va falloir être patient entre la demande, le choix du profil du donneur et la réception de la paillette de l’échantillon. Le docteur parle de 2 à 4 mois entre les étapes à suivre et ça me donne assez de temps pour savoir si c’est exactement ça que je veux ou non. Finalement, je suis assez satisfaite de ma consultation et je me sens plus tranquille. Mon médecin va me faire parvenir d’ici quelques semaines un cartable rempli de profil pour m’aider à choisir mon donneur. C’est étrange de se dire qu’on est sur le point de choisir un géniteur biologique pour son futur enfant alors que je ne voyais que par Dylan. Dylan est l’amour de ma vie et il m’était impossible d’envisager un autre ADN que le sien pour concevoir notre bébé il y a encore quelques mois et pourtant, avec le temps qui passe je me demande si notre amour est assez suffisant ? Suffisant pour tout surmonter.  

En sortant de l’hôpital, je passe à la boulangerie récupérer quelques croissants et deux cafés. J’ai envie de faire un arrêt chez Elie avant d’entamer mon nouveau job, cette après-midi. La clinique privée qui me laisse ma chance est très flexible sur les horaires et j’ai le droit d’adapter en fonction de ma vie personnelle.  Je dois dire que ça me convient vraiment, ce fût un élément décisif dans mon choix final. Elisabeth est mon amie d’enfance. On avait l’habitude de se voir très souvent mais depuis qu’elle s’est mariée, on s’est éloignées. A dire vrai, j’avais l’impression de déranger son mari ou alors il y avait toujours des excuses bidon et ça annulait nos soirées filles, nos sorties ciné, shopping etc. J’espère juste qu’elle ne m’en voudra pas de venir à l’improviste et j’espère surtout ne pas tomber sur son mari mais je me dis que surement il doit être à son travail. Je gare ma voiture a quelques pas de son immeuble avant d’entrer dans ce dernier. Dans le premier hall d’entrée, plusieurs sonnettes sont numérotées et prénommées. Je cherche le nom d’Elie dans la liste lorsque la porte qui mène au second hall s’ouvre sur un couple. J'en profite donc pour me faufiler à l’intérieur accompagné de mes croissants et mes cafés. Arrivée devant la porte de l’appartement, je cogne dans celle-ci et Elisabeth ne tarde pas à m’ouvrir. Elle est surprise de me voir et j’avoue que j’aurais réagi de la même façon. Cela fait des mois qu’on ne s’est pas vue. Elle m’invite donc à entrer et je brandis les munitions matinales. « Livraison spéciale de petits bonheurs » J’espère sincèrement qu’elle ne m’en voudra pas de débarquer comme ça. Je scrute autour de moi, très discrètement pour m’assurer qu’il n’est pas là et je me tourne vers mon amie « Je suis désolée de débarquer comme ça à l’improviste, j’espère que tu ne m’en veux pas ? J’avais envie de te voir... » ☽☽